Pour mieux comprendre le ministère
d'aumônier que nous exerçons mon épouse et moi
en détention, lis ce qui suit....
Sinon tu ne comprendrais pas ou
mal les expériences que je pourrais être amenées à
partager...
Ce que nous ressentons est-il charnel
ou spirituel ? Bon ou mauvais ? à proscrire ou a tempérer
?
Au regard de ma petite expérience
(personnelle, avec d'autres en détention et en milieu psychiatrique)
je suis obligé de reconnaître que certaines
personnes (hélas) ne ressentent
plus rien.
Face à certaines épreuves
répétitives, c'est comme si un verrou de sécurité
se bloquait au niveau des sentiments.
Certains diraient qu'une carapace
se construit, mais je dirai plutôt une dichotomie s'effectue au niveau
du raisonnement et que devant le stress et
les blessures engendrées
par de petites mais incessantes attaques, la personne ne trouve d'autre
remède que de se réfugier ailleurs dans sa
personnalité, c'est une
position de repli dans un seul côté de l'âme. C'est
comme si on devenait spectateur de ce qui nous arrive.
C'est un peu comme l'insensibilité
qui nous étonne devant les mauvaises nouvelles du journal télévisé.
On s'offusque "intellectuellement", mais on
n'en continue pas moins de manger
et d'aller au lit comme si de rien n'était. A peine fait-on une
rapide prière pour ceux dont nous avons entendu
la révoltante histoire.
Combien tournent et retournent
sur leur couche à la recherche du sommeil, perturbé par ce
qu'ils ont vu ?
Alors c'est vrai, ne rien ressentir
semble impossible, mais pourtant la personne en dichotomie devant cette
répétition d'actes agressifs, ne ressent
plus rien. Il est comme devant
son poste de télévision, mais à la différence
que c'est de son histoire qu'il s'agit.
Parfois, l'on cherche cette dichotomie
avec des médicaments psychotropes ou neuroleptiques, on s'évade
dans le jeu, la fête, l'alcool, le sexe, pire on
fuit dans l'usage de drogue. D'autres
plus subtilement se réfugient dans une pratique religieuse, et ce
quelle que soit la religion pratiquée, (y compris
pentecôtiste), mais
n'est-ce pas pareil ?
Le problème avec cette sorte
de position de repli, c'est qu'elle éloigne de la perception objective
de la réalité. Soit tout est de la faute des autres
et on a affaire à des personnes
aux manifestations caractérielles violentes dans la parole ou dans
les actes, soit tout est de sa propre faute et on
voit alors la dépression
s'installer avec un sentiment d'impuissance chronique. L'un comme l'autre,
aspirent à la disparition de cette situation,
soit de l'autre (cela va de la
séparation et peut aller jusqu'au meurtre),
soit de soi-même (cela peut
aller de la dépression, à la folie ou au suicide). Heureusement
que cela reste dans la grande majorité des cas de la
pulsion. Mais hélas, de
tels désirs dans le cour sont dénoncés par Jésus
comme méritant d'être puni de la géhenne. Traiter celui
qui nous agace
d'imbécile ou désirer
une autre femme que la sienne (même si elle le mérite) est
passible du même jugement et de la même condamnation. Si en
plus on
passe à l'acte ...
Mais le moins que l'on puisse dire,
c'est que la guérison n'est pas le partage de ceux qui se sont réfugiés
"ailleurs" dans leur personnalité. Le
plus grave, et cela a fait dire
au petit père du peuple "la religion c'est l'opium du peuple", c'est
que la personnalité s'endurci derrière une
carapace de versets bibliques....
Hélas, trois fois hélas,
l'Evangile est une catastrophe quand on s'en sert comme une armure...
Non l'Evangile est une ossature
qui accompagne la croissance, permet la liberté d'action, la vie,
le mouvement et l'être....
Avec l'Evangile vécu selon
l'Esprit-Saint et non selon la lettre, on vit, on respire, on ressent,
on aime, on souffre, on pleure, on est joyeux, en paix,
tout un panel de sentiments nobles
et purs, nouveaux et inspirés du coeur même de Dieu submerge
ce coeur de chair qu'il a mis en nous en remplacement
du vieux coeur de pierre...
Merci d'avoir eu la patience de
me lire jusqu'au bout.
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Fraternellement en Christ qui a
dit vous êtes maintenant dans la tristesse; mais je vous reverrai,
et votre coeur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie.
Il n'a pas dit "nous nous reverrons",
mais "je" vous reverrai, c'est son oeuvre, pas la notre.
Pour les autres... dommage que
vous ne connaissiez pas la joie d'abandonner sa vie "de tous les jours"
et sa volonté entre les mains de l'Esprit-SAINT
Pierre-Antoine ELDIN < °//
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