Permettez-moi quelques mots sur
l'Église.
Au delà des définitions
dogmatiques de l'Église, je me suis souvent plu à me la représenter
concrètement.
Longtemps (enfin il ne faut rien
exagérer...) je me suis figuré l'Église comme le rassemblement
de tous les croyant-aimant-Dieu, de tous les temps et de tous les lieux
au sein d'une gigantesque cathédrale gothique très élancée
et très lumineuse, une douce lumière presque palpable. La
foule est immense, bien sûr, j'y rencontre des visages familiers
et j'y perçois aussi la présence de beaucoup de ceux dont
l'exemple m'a inspiré, nous sommes immobiles, réunis comme
si le Christ était au milieu de nous mais aussi comme si nous baignons
en Lui, dans cette lumière, dans Sa lumière.
Il y avait de la Jérusalem
céleste là-dedans, mais peut-être aussi l'expression
de la confusion entre la bâtisse et l'assemblée dans la langue
française. Il y avait le calme et le repos, la confiance et la paix.
Il y avait de l'accompli.
Depuis peu, très peu, (ai-je
régressé ?) mon sentiment est plutôt que cette foule
immense s'étend sur un immense Chemin de pèlerinage qui serpente
le long des collines de Galilée et se dirige vers les monts de Judée,
peut-être nous dirigeons-nous vers cette Jérusalem Céleste
?
Au hasard des coteaux je devine
au loin certains de mes prédécesseurs, à quelques
pas Silouane, plus loin Thérèse, encore plus loin François
et tant d'autres qui, comme tous ceux qui m'entourent, tentent amoureusement
de mettre leurs pas sur les traces de Jésus.
Le Maître est au bout du Chemin,
le Maître est le Chemin et le Chemin c'est ce Nous.
Il y a aussi cette curieuse impression
d'emmener auprès de moi, souvent à leur insu, souvent à
leur coeur défendant toute une ribambelle d'êtres aimés
qui me suivent comme des enfants suivraient sans comprendre l'instituteur...
je suis parfois forcé de les tenir par la main car ils pourraient
bien filer...
Le Maître est la Vie et la
Vie c'est ce Nous.
Alors, sur ce Chemin de pèlerinage,
quand le pain et le vin s'approchent, c'est ce même pain et ce même
vin jailli d'une source inépuisable il y a bientôt 2.000 ans
et transmis de main en mains. Résonnent toujours les Paroles de
notre Sauveur "Prenez, mangez, ceci est mon corps... Buvez-en tous car
ceci est mon sang..."
Quand ce pain et ce vin effleurent
mes lèvres, ils ont d'abord le goût du pardon offert sans
réticence, ils me rappellent le toucher et l'odeur du manteau du
père dans les pans duquel je me suis blotti le jour de mon retour
où il m'a accueilli en courant vers moi les bras grand ouverts.
Quand le pain et le vin pénètrent
en moi, je réalise qu'il y a plus, il y a bien plus, il y a le sourire,
la voix, la lumière du Christ, il y a bien plus encore... il y a
tout l'évangile, il y a toute la Bible, il y a bien plus encore...
Il y a Jésus-Christ, Fils
de Dieu, qui nous rend la vue, qui nous rend l'ouïe, qui guérit
notre paralysie et nous apprend à marcher.
Il y a Jésus-Christ, Verbe
de Dieu, qui nous appelle à ce pèlerinage et nous attire
à Lui.
Il y a Jésus-Christ, Dieu
Lui-même, qui nous nourrit, nous abreuve, nous guide et nous accueille,
du début à la fin, d'alpha à oméga, dans l'aujourd'hui
du Royaume.
Et je continue à marcher,
les yeux tout brillants de larmes, pour me fondre dans ce Nous, avec ma
petite ribambelle récalcitrante.
- Pierre Poncet
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