Voici une présentation succincte par 2 érudits,
l'un - Claude Bouchard - tenant de l'approche dit libérale et l'autre
- Marc Pembroke - tenant de l'approche conservatrice évangélique:
CLAUDE BOUCHARD
Salut Yves! Et tous et chacun par la même occasion.
Premièrement, je dois préciser qu'il ne
s'agit pas cours mais bien d'ateliers de partage, d'échanges et
d'études... Bien entendu, il y a des éléments de formations,
mais ils sont loin de composer l'essentiel de la dynamique.
Pour ce qui est du coeur de ta question à propos
du Deutéronome, hé bien la tradition deutorénomiste
est née dans le Royaume du Nord (Israël) quelques temps avant
sa destruction par les Assyriens vers 722 av. J-C... Elle a été
complétée dans le Royaume du Sud (Juda) à partir de
la réforme entreprise par le roi Josias vers 622 av.J-C. et la dernière
main aux textes a été portée bien après le
retour de l'Exil à Babylone... vers 400 av J-C. Et on note peut-être
même quelques retouches après cette période...
Comme Moïse était déjà un homme
adulte vers 1250 av. J-C., le pauvre homme n'aurait certainement pas eu
la force de tel discours...
Bref, si on a voulu rattacher ces discours à Moïse,
en les présentant comme venant de sa bouche, c'est que les auteurs
du Deutéronone étaient tout simplement convaincus que Moïse
aurait donné de telles lois au peuple s'il avait vécu à
ces époques. Ces auteurs avaient donc une profonde conscience d'être
dans la ligne de Moïse et d'être fidèles à la
volonté de Dieu pour son peuple.
Ce procédé littéraire est courant
dans la Bible et dans les cultures anciennes, qui n'avaient cure de notre
perception de la vérité historique et de nos concepts modernes
de droits d'auteurs. Il visait en particulier à souligner la continuité
d'un enseignement nouveau avec les anciens préceptes et donc à
asseoir l'autorité d'un tel enseignement, malgré sa nouveauté.
Au total donc: historiquement, le Deutéronome est
un livre qui se présente anachroniquement comme une suite de discours
prononcés par Moïse. Dans la foi (et historiquement), on peut
affirmer qu'il n'y a aucune fraude ou contrefaçon, puisque le texte
représente une mise à jour de la foi hébraïque
rendue nécessaire par l'évolution religieuse, sociale et
politique d'un peuple dont Moïse était (et demeure) la figure
historico-religieuse dominante.
Conclusion? Quand on pose mal une question, on ne peut
qu'obtenir une mauvaise réponse: "Quel intérêt peut-il
bien y avoir à l'étudier si ce n'est comme un objet de contrefaçon?"
La question oppose ainsi artificiellement vérité historique
et vérité de foi, c'est une distorsion typique du fondamentalisme
religieux et biblique.
Mais en fait, la question est sans objet puisqu'il ne
s'agit pas de contrefaçon, mais d'un procédé littéraire
tout à fait habituel et, dans ce cas précis, tout à
fait justifié puisque le Deutéronome, malgré son parcours
de formation historique complexe, demeure encore et toujours, pour plus
d'un milliard 500 millions de personnes (chrétiens et juifs rassemblés),
moi y compris, «Parole de Dieu», inscrite dans le canon des
Écritures et, je l'espère, dans le coeur du «Peuple
de Dieu».
Que Moïse ait prononcé ou non un seul mot
de ces discours n'y changera jamais rien...
Le Deutéronome mérite donc l'attention,
et cela à deux niveaux. En lui-même d'une part, puisqu'il
représente le coeur de la foi d'Israël (avec les autres traditions
bibliques constituant le Pentateuque). Et en lien avec l'Évangile
d'autre part, puisqu'il influence largement le contenu des évangiles
(en particulier celui de Matthieu) et qu'il représente la base du
système religieux auquel Jésus se référait
pour son enseignement et son action prophétique, parfois en le contestant,
le plus souvent en invitant à davantage de fidélité.
Voilà! En espérant ne pas avoir été
trop long et en répétant que la polémique et la controverse
n'est pas mon sport national... Je suis canadien et c'est donc le hockey
sur glace qui me passionne ;-)))
Je suis déjà infiniment béni par
Dieu (comme les 1.5 milliards ci-haut mentionnés), me reste à
le reconnaître vraiment: en pensée, en parole et en acte.
Ça, c'est une autre paire de manches ;-)
=======//=======
Claude Bouchard (Webmestre du site Parta-Foi)
Claude.bouchard1@sympatico.ca
http://www.partafoi.abeditions.com/
ICQ: 5254740
=======//=======
Yves Touzé écrivait:
Bonjour Claude,
Puisque tu nous présente un peu de publicité
pour tes cours bibliques j'aimerais que tu nous expliques sur BOL ce que
tu dis de Deutéronome :
«Loin d'être un simple recueil de lois en
apparence désuettes ou de discours anachroniquement présentés
comme recueillis de la bouche même de Moïse»
"discours anachroniquement présentés comme
recueillis de la bouche même de Moïse" ???
Mais n'est-ce pas ainsi que commence ce livre ? Où
est l'anachronisme, ou est la présentation erronée ? Si ce
livre n'est pas se qu'il se présente être "les paroles que
Moïse adressa à tout Israël..." (Chapitre 1, verset 1),
quel intérêt peut-il bien y avoir à l'étudier
si ce n'est comme un objet de contrefaçon ?
De ta réponse j'apprécierai mieux la perspective
de tes cours ,
Que le Seigneur te bénisse,
Yves
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1ère réponse de Marc à la contribution
de Claude:
MARC PEMBROKE
Bonjour Claude
Bonjour à toutes et à tous,
Merci de ton intervention. Pourtant, je pense que, pour
certains moins initiés, il faut faire quelques précisions.
Je reconnais dans tes propos la théorie classique
de Graff et Wellhausen, les architectes du 19e de la théorie dite
JEDP.
Ceux sont eux et leurs disciples qui ont bricolé
une théorie de 4 traditions indépendantes dans la Torah.
Selon eux, des éditeurs tardifs ont fabriqué la Torah pour
donner l'illusion d'un récit historique. De ma part, j'ai eu le
privilège de suivre des cours de théologie dans des facultés
libérales (Harvard et Institut Protestant de Montpellier) et des
facultés conservatrices (Westminster Seminary à Philadelphie
et la Faculté Libre de Théologie Réformée d'Aix-en-Provence.)
Ainsi, je connais les deux milieux et des professeurs bien connus des deux
perspectives.
Cela dit, j'ai eu l'occasion de poser des questions des
personnes assez érudites à Montpellier, sans citer trop leurs
noms. De la part des savants conservateurs (ceux qui n'acceptent pas la
théorie Graf-Wellhausen) on pose toujours la question: à
part la philosophie personnelle des gens qui aiment cette théorie,
est-ce qu'il y a la moindre trace d'évidence pour l'appuyer?
La réponse est toujours comme suivante: "Il n'y
a pas d'évidence, dans les manuscrits ou dans l'histoire, et ceux
qui la cherchent ne comprennent pas la théorie."
Autrement dit, la théorie se défend précisément
par elle-même. On la soutient implicitement par implication. (c'est
à dire, la preuve objective n'existe pas; c'est une hypothèse
qui fait plaisir à ses adhérents selon leur philosophie).
Pour justifier cet amalgame des idées, qui seraient
certainement une fraude de nos jours, on dit que les gens ne se gênaient
pas autrefois. Donc, mentir, mettre des paroles dans la bouche de quelqu'un
d'autre. Dire que Dieu a dit des choses qu'il n'a jamais dites, ce n'était
pas grave pour eux. Mais, d'après moi, il me semble qu'il y a plusieurs
failles dans la structure théorique de Graff et de Wellhausen. D'abord,
si les gens ne croyaient pas que les mensonges attribués à
Dieu ou aux prophètes n'étaient pas graves, et si comme les
théologiens disent, le Deuteronome représente la foi d'Israel,
pourquoi est-ce que le mensonge et la prétention sont traités
comme des crimes capitaux?
Mais il y a d'autres problèmes aussi. Messieurs
Graff et Wellhausen ne bénéficiaient pas des découvertes
archéologiques du 20e siècle. Leur hypothèse se base
sur la théorie que les peuples du proche orient auraient eu l'habitude
de se servir d'un seul nom pour leurs dieux. Donc, certains auraient dit
Yahweh, d'autres auraient dit Elohim. Cependant, on a découvert
beaucoup des manuscrites des autres religions et cultures du proche orient.
Il paraît qu'il était assez normal en tout temps de multiplier
les noms des divinités. Autrement dit, l'hypothèse ne colle
pas bien avec l'évidence.
Un autre petit problème. Les rituels et les détails
des cultures mentionnées dans la Torah n'ont pas duré longtemps.
On trouve des mentions culturelles des mesures, des traditions, des contrats,
et autres activités qui existaient à l'époque de Moïse,
mais qui auraient été oubliés depuis des siècles
au moment de la rédaction supposée par Wellhausen.
Dire cela est à peu près comme si un d'entre
nous parlait de façon détaillée concernant le prix
du pain et les techniques d'agriculture pendant l'année 1199, en
reprenant les phrases idiomatiques de l'époque, sans jamais se tromper.
En tout respecte, une fraude de cette taille exigerait une bibliothèque
volumineuse et plus complète que n'importe quel archive possible
aujourd'hui. Le fraudeur serait plus génial que nos meilleurs historiens.
À mon avis, l'hypothèse Graff-Wellhausen
ne peut pas être retenue. Certes, cela met en cause la théorie
bien répandue non seulement à Harvard et à Montepellier,
mais aussi dans la quasi-totalité des grandes facultés
de théologie, protestantes et catholiques. Mais les nombres ne font
pas preuve de la vérité. De ma part, je demande à
Claude, comme j'ai demandé aux professeurs de l'Ancien Testament
ayant des doctorats et des grandes réputations, de me fournir des
preuves autres que les citations des leurs propres maïtres et l'affirmation
solonelle que "sans doute, l'évidence est abondante". Jusqu'au présent,
je ne l'ai pas vu.
Donc, dans l'absence de preuves convaincantes, je préfère
prendre les textes du Torah comme ils se présentent.
Marc A. Pembroke, Directeur
Institut Auguste Lecerf
P.O. Box 882
Jackman, ME 04945
USA
(207) 668-4160
maplaw@gwi.net
Réponse de Claude à
la contribution de Marc
Les arguments littéraires pour étayer la
thèse des 4 traditions sont principalement:
- Présence de doublets inutiles dans les récits
et qui ne correspondent aucunement aux styles littéraires de l'époque
(alors que certains doublets, eux, sont caractéristiques du genre
littéraire liturgique).
- Incohérences de certains récits entre
eux. (Ouille... Y'en a qui vont japper!). Un exemple intéressant
sont les "deux récits" de l'Exode. Dans celui qui appartiendrait
à la tradition Yahviste présente un refoulement des eaux
(par le vent de Dieu), alors que dans le récit "Sacerdotal" (P)
les eaux se fendent en deux, comme dans le premier récit de la création
(Gn 1), lui aussi "Sacerdotal".
- Les noms de Dieu (Elohim, Yahweh, etc.) Argument qui
trouve d'autres explications valables (cf. le texte de notre ami que j'ai
survolé rapidement).
- Des différences importantes des styles littéraires
et du vocabulaire à l'intérieur même de récits
présentés comme uniques. Ce qui suggère plusieurs
couches de rédaction et des inclusions tardives.
- Les récits bibliques empruntent aux mythologies
de différentes cultures qu'Israël a cotoyé à
diverses époques de son histoire. Combinés avec la théorie
des traditions JEDP, on remarque que ces emprunts trouvent une certaine
cohérence avec ce que nous connaissons de l'histoire d'Israël
(ce qui n'est pas toujours le cas cependant puisque nous avons affaire
à des cultures nomades).
- Les récits du Pentateuque font parfois référence
à des événements qui se sont produit après
la date présumée de leur écriture selon d'autres théories.
Difficile d'expliquer ce fait autrement que par le recours à des
interprétations qui réduisent parfois malheureusement le
prophétisme à la prédiction d'événements...
Voilà! Cela donne une idée.
Pour ce qui est des autres commentaires, je n'ai rien
à dire, faute de temps, et sachant pertinemment bien que cela ne
sert à rien d'argumenter, ici ou ailleurs, à propos de la
Bible.
Je le répète: je préfère,
et très largement, m'intéresser à des échanges
qui invitent au partage et à la croissance, plutôt qu'à
l'étalage d'une érudition qui n'a aucune valeur en soi et
qui ne vise souvent qu'à convaincre du bien fondé de son
point de vue...
Bref, je préfère les échanges qui
m'enrichissent au contact des textes bibliques, aux discussions "à
propos de la Bible" (et cela même si je puis m'amuser à le
faire passionnément). C'est dans cette perspective, l'enrichissement
au contact des textes bibliques, que les activités des cercles bibliques
de PF se sont développées et c'est ce pourquoi je les ai
proposées ici: parce que je ne suis pas seul à penser ainsi,
et que cette option représente à la fois une bonne alternative
ou un bon complément à la dynamique de BOL.
Petit commentaire cependant à propos de l'intervention
de Marc Pembroke: Depuis Graff et Wellhause la perspective historico-critique
s'est passablement enrichie... et tout particulièrement des extraordinaires
découvertes de l'archéologie depuis 100 ans, des belles avancées
des sciences bibliques, et des progrès importants en matière
d'analyse philologique, littéraire et historique, sociologique,
anthropologique, psychologique des textes (et pas seulement des textes
bibliques).
De plus, elle s'est ouverte depuis de nombreuses années
à un dialogue constructif avec les méthodes d'analyse plus
anciennes ou plus récentes telles que: rhétorique, narrative,
sémiotique, canonique, "judaïsante" (en référence
aux midrash et autres éléments de la tradition juive), libérationiste
(en référence aux théologies de la libération),
féministes, ainsi qu'avec les exégèses littérales
et spirituelles et finalement avec les commentaires patristiques, les théologies
morales et dogmatiques, la christologie, etc.
Bref, critiquer Graff et Wellhause, pour illustrer la
méthode historico-critique, c'est un peu comme parler des olympiques
en ne pensant qu'aux grecs de l'Antiquité...
Encore plus bref: Si Marc pose la question sérieusement,
la littérature à ce propos ne manque pas. Fais ce que doit!
Quelques bons ouvrages ont été écris depuis les 50
dernières années...
Mais si tu cherches des preuves irréfutables, tu
n'en trouveras JAMAIS... pas plus que tu ne pourras jamais prouver que
Moïse a bel et bien écrit le Deutéronome ou à
tous le moins prononcé ces discours, sans te référer
aux auteurs qui l'affirment... dont le premier est l'auteur du texte biblique
lui-même... affirmation impossible à vérifier, puisque
l'objectif n'était pas rapporter fidèlement les paroles de
Moise, mais bien la parole de Dieu contenu dans des discours.
À Philippe Cousson, qui demande une bibliographie:
Un document intéressant à consulter, pour
une première initiation à la diversité et au dialogue
entre les approches bibliques est celui qui a été publié
par la Commission Biblique Pontificale: "L'interprétation de la
Bible dans l'Église", en 1994. Double avantage: peu coûteux
(mon exemplaire m'a couté 5 $ - environ 20 FF) et facile d'accès,
même pour un novice. Pour une fois qu'un document en provenance de
Rome a de l'allure, ça ne vaut pas la peine de s'en priver ;-)
Pour la perspective historico-critique: "Pour lire l'Ancien
Testament", d'Étienne Charpentier. (Il y a aussi "Pour lire le Nouveau
Testament", du même auteur). Pour 60-80 FF (20 dollars ou moins),
tu y trouveras tout ce qui peut t'initier à cette approche, ainsi
que quelques bonnes références bibliographiques (même
si elles commencent à dater un peu...)
Bien à vous,
=======//=======
Claude Bouchard (Webmestre du site Parta-Foi)
2ème réponse de Marc
à la contribution de Claude:
Bonjour Claude et bonjour à tous,
Pour essayer de venir rapidement à la fin de cette
question, il faut noter qu'il s'agit d'un débat qui continue et
qui a ses adhérents sur les deux côtés. De ma part,
en lisant toutes les prétendues incohérences et fluctuations
du style, je trouve que les défenseurs de la théorie
exagèrent, et parfois grotesquement. On peut voir ce qu'on veut,
et, si on veut trouver 4 auteurs (ou 5 ou 6, ou 20, selon les "enrichissements"
récents), on va les trouver.
Mais, comme la plupart des membres de la liste n'ont pas
eu l'occasion d'étudier cette théorie au fond, et cela prendrait
au moins un cours universitaire après avoir étudié
la langue hébraïque, je propose une illustration un peu plus
saisissable.
Comme tout le monde, j'ai eu l'occasion d'écrire
en plusieurs genres. À un moment ou à un autre, j'ai écrit
de la poésie, des rapportages scientifiques, des articles dans les
journaux populaires, des projets de loi, des lettres d'amour, des textes
mathématiques, des recherches théologiques, des lettres en
anglais, des lettres en français. Ici ou là, j'ai ramassé
quelques expressions en italien, en espagnol, en arabe, en allemand, et
en japonais. Dans ma jeunesse, j'ai étudié le Shakespeare,
et, s'il me fallait, je pouvais même parler comme au temps de cet
auteur, soit l'anglais de 1580 -1620.
Supposons maintenant, que je décide d'écrire
un texte, et je mélange ces styles tous azimuts. Supposons que je
passe des récits historiques, des anecdotes, des chansons, quelques
citations de Shakespeare, quelques mots de français etc. etc.
Supposons, maintenant que je donne ce texte à une
des personnes qui acceptent la théorie JEDP. S'ils suivent
leur mode d'analyse, ils vont trouver dans ce texte plusieurs auteurs.
Ils vont découper le français, l'anglais, le scientifique,
le poète, et le journaliste. Il vont dire assurément que
les phrases du style shakesperien viennent du 17e siècle,
car les Américains ne parlent pas comme cela dans le 20 siècle.
Et, à certains égards, ces analystes auraient un peu raison
de voir plusieurs styles ou plusieurs genres d'expression. Mais, ils auraient
eu tort de dire qu'il y en avait plusieurs auteurs. On peut dire que les
gens diraient que l'auteur moderne était le rédacteur de
plusieurs souches de tradition. Encore, c'est faux. Je pouvais très
bien écrire mon document tout seul aujourd'hui. Je pense qu'on accepte
la possibilité que je suis capable de rédiger un tel texte,
ayant fait une licence en maths une licence en théologie, et un
doctorat en droit. Alors, est-ce aussi possible qu'un auteur d'antiquité
pût écrire dans un style particulier, varié, et mélangé?
Les savants qui soutiennent la théorie JEDP décident
pour eux-mêmes quelles répétitions sont "utiles" et
quelles ne sont pas. Ils voient, quand ils veulent un événement
ou deux, un récit ou deux, selon leur propre hypothèse de
l'histoire. (si on veut entendre des répétitions inutiles,
on n'a que d'écouter certains politiciens pendant la campagne électorale.)
Les savants de la théorie JEDP décident
de façon catégorique en quelle année une personne
ou autre pouvait utiliser une expression, et ils nous disent, avec une
certitude débordante quelles expressions étaient au courant
en quelle époque. Mais, en faisant tout cela, ils oublient de mentionner
deux choses. (1) Nous n'avons qu'un fragment infinitésimal
des documents de chaque période de l'antiquité par rapport
à l'ensemble des textes qui auraient pu exister. (2). Un étudiant
de la littérature d'une autre époque peut très bien
préserver ou même se servir des expressions des autres périodes.
Les papes modernes rédigent toujours leurs encycliques en latin,
par exemple. La réalité est que les savants qui soutiennent
la théorie JEDP supposent que les auteurs de l'antiquité
sont forcément incapables de la moindre variation de ton, de style
ou de pensée. On accepte qu'un auteur moderne tel que Michael Chricton
eût pu être étudiant en médecine avant de devenir
écrivain, ou que John Grishom, un avocat à la cour, pût
rédiger des histoires des aventures. Mais, ils interdisent aux personnes
de l'antiquité les mêmes capacités. Bien sûr,
si on prend comme article de foi la théorie de l'évolution,
il est facile, voire, nécessaire de refaire l'histoire d'Israel
en fonction d'un développement graduel. Si on suppose que
la prophétie n'existe pas il faut prendre les prophéties
en envers, et dire qu'ils sont écrits après l'événement
dont ils parlent. C'est là la vraie force de la théorie JEDP.
Il convient bien à une philosophie humaniste et sceptique. Mais,
en réalité, rien ne l'appuie dans l'antiquité, et
aucun manuscrit ne justifie les découpages imposés. La possibilité
que les textes étaient écrits tels quels par un auteur
dans un style qui convenait bien à ses auditeurs selon le matériel
rapporté est écartée. Mais, à part une
série des présuppositions douteuses concernant les capacités
intellectuelles des auteurs d'antiquité, rien ne permettrait les
conclusions qu'on avance.Quand on permet la possibilité que Moïse,
Josué, Sammuel, David, et autres pouvaient être aussi brillants
que les théologiens modernes, ou plus, la nécessité
de cette théorie disparaît. Si on suppose l'inspiration de
Dieu, les problèmes supposés de la prophétie disparaissent
aussi.
De toute façon, malgré la popularité
de cette théorie, il y avait toujours des personnes qui connaissent
parfaitement bien les textes originaux et l'évidence des autres
cultures du proche orient qui n'étaient nullement convaincues. De
ma part, je ne demande pas à Claude ou à qui que se soit
de changer leur avis. Pourtant, je leur demande bien vouloir dire clairement
quand ils parlent des hypothèses et quand ils parlent des faits.
Surtout, quand on s'adresse à un auditoire qui n' a pas à
sa disposition les outils
d'analyse et une formation théologique, je pense
qu'il convient de dévoiler ses sources et d'admettre quand il y
a des doutes, au lieu de parler comme si la théorie était
démontrée ou même prouvable. Il convient aussi d'expliquer
aux autres ses sources ou les noms de ses maîtres. Encore,
cela serait, à mon avis, une politesse, et une honnêteté
qui permettraient aux lecteurs d'évaluer pour eux-mêmes le
sérieux des propos.
Bonne continuation
Marc A. Pembroke
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