Chers frères et soeurs,
J'aimerai vous parler d'un homme qui était en prison
avec moi. Il était pasteur et s'appelait Dimitri. Il avait été
battu; on l'avait frappé à la colonne vertébrale avec
un marteau. une des vertèbres ayant été atteinte,
il était resté paralysé et ne pouvait plus bouger
que sa nuque, rien d'autre. On imagine bien l'ampleur de cette tragédie.
Si vous vous trouviez dépendant, que se soit dans
un hôpital ou même chez vous, vous auriez au moins votre conjoint,
votre mère ou une infirmière qui puisse prendre soin de vous.
Mais nous étions en prison; comment pouvions-nous nous occuper du
pauvre perclus? Il n'y avait pas d'eau courante, pas de linge. Il reposait
dans la crasse; impossible pour lui de tendre ses mains pour prendre un
verre d'eau. Ceux qui auraient pu lui porter secours étaient astreints
au travail forcé et ne rentraient que le soir; le malheureux devait
attendre toute la journée pour recevoir un verre d'eau. Il a croupi
ainsi en prison pendant plusieurs années. C'était l'enfer
sur terre. Puis, en décembre 1989, la révolution a éclaté
en Roumanie et le dictateur Ceausescu a été renversé.
Une ère nouvelle commençait et Dimitri fut libéré.
Il retrouva sa famille et ses amis. Toutefois, il n'était plus en
mesure de se déplacer et les médecins ne pouvaient rien pour
lui. Mais, au moins, quelqu'un se trouvait là pour lui tendre une
main bienveillante.
Un visiteur inattendu
Quelqu'un frappa à la porte; c'était le
communiste qui avait estropié Dimitri. Il s'écria: "Monsieur,
ne croyez pas que je sois venu pour vous demander pardon. Pour le mal que
j'ai commis, il n'y a pas de pardon ni sur terre ni dans le ciel. Vous
n'êtes pas la seule personne que j'ai torturé. Vous ne pouvez
pas me pardonner, personne ne peut me pardonner. Même pas Dieu. Mon
crime est monstrueux. Je suis simplement venu vous dire que je regrette
le mal que je vous ai fait. Maintenant, je vous quitte pour aller me pendre;
voilà, c'est tout!".
Il s'apprêta à partir. Le vieux prisonnier
lui dit alors: "Durant toutes ces années, je n'ai pas été
aussi triste qu'aujourd'hui de ne pas pouvoir bouger mes bras. J'aimerais
pouvoir les tendre pour vous éteindre. Pendant des années,
j'ai prié pour vous chaque jour de tout mon coeur. Vous êtes
pardonné".
Dimitri avait appris l'amour de Jésus qui avait
appelé Judas "ami" et prié pour ceux qui le crucifiaient,
lui qui avait choisi Saul de Tarse le persécuteur et fait de lui
un apôtre.
Avoir la foi, c'est imiter Jésus. Chaque fois que
Jésus a rencontré un pécheur, il ne lui a fait aucun
reproche. Il a pris sur lui le péché et l'a expié
à la croix. Je pourrais vous citer plusieurs personnes qui ont agi
comme l'a fait Dimitri.
Lorsque j'étais en prison, à un certain
moment, je suis tombé gravement malade. Mes deux poumons étaient
atteints de tuberculose, ma colonne vertébrale et mes intestins
souffraient également. Par ailleurs, j'étais diabétique,
mon coeur battait la chamade, j'avais la jaunisse et d'autres maladies
encore. J'étais à deux doigts de la mort. Dans l'établissement
où je me trouvais, il y avait une cellule réservée
aux mourants. Je suis le seul à en être ressorti vivant. J'y
ai passé plus de trois ans, faisant face à de grandes souffrances;
en même temps, j'y ai découvert une grande beauté.
J'étais mourant; à mes côtés se trouvait un
pasteur du nom de Iscu. Il avait été sauvagement frappé
et torturé. Il était à l'agonie, et cependant il était
calme. Il savait où il allait. Chaque fois qu'il parlait, c'était
comme si des pierres précieuses sortaient de sa bouche. En hébreu,
il n'y a pas de mot pour exprimer "dire"; dans cette langue "dire" est
en fait le terme "saphir" (pierre précieuse). Dès lors, en
hébreu, "dire" signifie "donner une pierre précieuse". Si
vous ouvrez la bouche, donner une pierre précieuse.
Personne ne peut donner des joyaux toute la journée.
Parfois vous êtes triste, parfois vous êtes en colère.
Restez tranquille et attendez le moment opportun où vous pourrez
donner une pierre précieuse à quelqu'un. Iscu, lui, donnait
des pierres précieuses à chaque fois qu'il ouvrait la bouche.
Il parlait des beautés du ciel et de l'amour de Jésus. Il
était physiquement sur la terre, mais en esprit il était
déjà dans le ciel.
Une autre forme de naissance
En prison, Iscu était à ma droite. Couché
à ma gauche, il y avait le communiste qui l'avait torturé
à mort et que ses camarades avaient arrêté et maltraité.
Maintenant, il était sur le point de mourir. Pendant la nuit il
se réveilla et l'interpella disant: "S'il te plaît Pasteur,
dis une prière en ma faveur; les crimes que j'ai commis sont si
atroces que je n'arrive pas à mourir".
Iscu, lui-même très souffrant, appela deux
autres prisonniers, s'appuya sur eux et passant lentement près de
mon lit, s'assit sur le bord de la couche de son bourreau et lui caressa
la tête. C'était un spectacle extraordinaire, un tableau céleste.
Pas besoin d'être au ciel pour en voir! Je n'oublierai jamais cette
scène; ce geste d'amour pour un homme qui l'avait frappé
si brutalement et qui était responsable de sa mort prochaine. Puis,
les paroles du pasteur disant: "Je vous ai pardonné de tout mon
coeur, je vous aime. Si moi, pécheur, je puis vous aimer et vous
pardonner, combien plus Jésus le Fils de Dieu le peut, lui, l'amour
incarné. Allez vers lui, il vous attend patiemment. Il désire
aussi vous pardonner, vous qui cherchez le pardon. Il faut simplement que
vous vous repentiez".
Dans cette cellule de prison, pas de place pour l'intimité:
j'ai été témoin des confessions du bourreau avouant
tous ses meurtres à celui qu'il avait torturé. Après
cela, ils prièrent ensemble et s'embrassèrent.
Le pasteur retourna péniblement à son lit;
tous deux moururent la même nuit. C'était la veille de Noël.
Mais pas une nuit de Noël où on célèbre celui
qui est né il y a 2000 ans à Bethléhem. Cette nuit-là,
Jésus était né dans le coeur d'un criminel.
Voilà ce que Jésus peut faire pour vous
aussi; j'espère n'avoir pas parlé en vain et que j'ai pu
vous donner "une pierre précieuse".
- Richard Wurmbrand
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